Vers une règlementation de l’usage des trottinettes électriques

Le 25 octobre dernier, un décret publié au Journal Officiel est paru afin de clarifier l’usage de la trottinette électrique, dont l’utilisation anarchique pouvait parfois contraindre les piétons à jouer au toréador afin d’éviter un bolide lancé à toute vitesse !

Ainsi, ce texte créé une nouvelle catégorie de véhicules sous le nom d’Engins de Déplacements Personnels Motorisés (EDPM) visant tout « véhicule sans place assise, conçu et construit pour le déplacement d’une seule personne et dépourvu de tout aménagement destiné au transport de marchandises, équipé d’un moteur non thermique ou d’une assistance non thermique et dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 6 km/h et ne dépasse pas 25 km/h. ».

Ce texte vient donc modifier le Code de la route afin de l’adapter à ces nouveaux moyens de déplacements urbains, en visant à « définir les caractéristiques techniques et les conditions de circulation des engins de déplacement personnels ».

A présent, les conducteurs d’EDPM, âgés d’au moins 12 ans, devront porter un équipement spécifique (I) et respecter l’espace de circulation qui leur est attribué (II) sous peine de sanction (III).

Cependant, ces nouvelles dispositions ne viennent pas clarifier une question lancinante et au combien déterminante pour l’usager de ce type de véhicule, à savoir le régime indemnitaire applicable en cas d’accident, différent qu’il s’agisse d’une trottinette simple ou motorisée (IV).

I – Un équipement obligatoire pour les conducteurs d’EDPM

Dorénavant, les conducteurs de trottinettes électriques devront circuler casqués, d’un modèle conforme à la règlementation des Équipements de Protection Individuelles (EPI), comprendre ici un casque adapté à la pratique du cyclisme.

Par ailleurs, un équipement spécifique devra être porté, permettant d’être visible par les autres usagers.

Il convient ici de distinguer deux situations :

En agglomération, la nuit ou le jour en cas de faible visibilité, l’usager devra être porteur d’un gilet réfléchissant ou autres équipement rétroréfléchissant, et son véhicule devra être équipé d’un dispositif d’éclairage complémentaire non clignotant.
Hors agglomération, en cas d’autorisation de circulation sur une voie dont la vitesse autorisée est limitée à 80 km/h, le port d’un gilet réfléchissant ou autres équipement rétroréfléchissant ainsi que d’un dispositif d’éclairage complémentaire non clignotant devra être utilisé de jour comme de nuit.
Enfin, le véhicule devra être pourvu d’un système de freinage efficace et adapté.

II – Un espace de circulation dédié

Dorénavant, les EDPM seront bannis des trottoirs et devront utiliser les pistes cyclables lorsqu’il y en a, ou la chaussée en cas d’absence de voies cyclables, et sous réserve que la vitesse autorisée soit limitée à 50 km/h.

A titre exceptionnel, et sous réserve de l’autorisation de l’autorité de police de la circulation, l’usage du trottoir sera autorisé « à condition que ces engins respectent l’allure du pas et n’occasionnent pas de gènes pour les piétons ».

Également, la circulation des EDPM pourra être autorisée sur les routes dont la vitesse maximum est inférieure à 80 km/h, à condition que l’état, le profil de la chaussée et les conditions de circulation le permettent.

III – Sanction en cas de non-respect des nouvelles dispositions

En cas d’infraction aux dispositions du présent décret, un certain nombre de sanctions sont prévues.

Ainsi, le non-respect des restrictions de circulation ou du port d’un équipement de visibilité, la vitesse excessive sur un trottoir, le fait de pousser ou de tracter une charge ou une personne ou encore d’en transporter un est passible d’une contravention de deuxième classe (35 €, minorée à 22 €, majorée à 75 €).

Une contravention de quatrième classe est prévue en cas de circulation non casquée, pour l’usager ou pour l’accompagnant majeur d’un conducteur de moins de 12 ans (135 €, minorée à 90 €, majorée à 375 €).

Enfin, le fait de circuler sur une trottinette dont la vitesse excède les 25 km/h sera passible d’une contravention de cinquième classe (1 500 €, ou 3 000 € en cas de récidive) assortie d’une possible confiscation, immobilisation ou mise en fourrière du véhicule.

IV – Le régime indemnitaire applicable en cas d’accident

Concernant les trottinettes non motorisées, la réponse n’encoure pas de débat puisque l’usager d’une simple trottinette est considéré comme un piéton au sens de l’article R.412-34 du code des assurances, étant précisé qu’il doit se comporter en tant que tel (utilisation des passages pour piétons, respect de la signalisation, …).

Dans ces conditions, si un accident survient avec un autre piéton, cycliste ou trottinette, la responsabilité de droit commun sera engagée dans le cadre d’une garantie en responsabilité civile généralement insérée dans les contrats multirisques habitation.

En ce qui concerne les EDPM, la réponse semble moins évidente puisque jusqu’alors, les positions des assureurs divergeaient de savoir si la garantie responsabilité civile du conducteur d’une trottinette électrique était incluse dans le contrat multirisque habitation ou si, compte-tenu de la vitesse de déplacement excédant 6 km/h, la trottinette devait être considérée comme un VTM, et donc spécifiquement assuré en tant que tel.

En effet, le législateur a prévu un régime spécifique en cas d’accident causé par un véhicule terrestre à moteur, que l’article L. 211-9 du code des assurances définit comme « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique ».

La question est donc de savoir si une trottinette électrique relève de cette définition, et par conséquent si elle est soumise au régime des accidents de la circulation ainsi qu’à son régime assuranciel qui en découle.

L’enjeu pour l’assureur est surtout de déterminer si les dommages causés par son assuré, couvert par un simple contrat d’assurance de Responsabilité Civile, entrent dans sa garantie ou au contraire si l’assurance en est déchargée.

Jusqu’au décret, il était permis d’opter pour une exclusion de la garantie de RC dans la mesure où, il est vrai, une trottinette électrique s’apparente bien à la conception qui était donnée d’un véhicule à moteur. Et ce n’est pas la jurisprudence qui venait éclairer la lanterne du juriste puisqu’elle se montrait tout aussi hésitante (voir notamment Civ. 2ème, 17 mars 2011, n°10-194.938 ; contra CA Aix-en-Provence, 23 novembre 2017, n° 2017/887).

Or, le nouveau texte poursuit dans cette incertitude puisqu’au lieu de trancher la question, il donne une définition nouvelle de ce type de véhicule. Ainsi, faut-il comprendre qu’il sera à l’avenir exclu des VTM, ou à l’inverse, qu’il n’en sera qu’une composante nouvelle ? La question reste pendante.

Pour notre part, la rigueur doit nous conduire à la prudence et conseiller à tout conducteur d’un EDPM, qu’il soit homologué ou non, de souscrire une assurance spécifique, d’un part pour éviter d’être passible de la contravention prévue à l’article L. 324-2 du code de la route (3750 € d’amende), et d’autre part, en cas d’accident et à considérer que les EDPM entrent bien dans le champ du régime indemnitaire propre aux VTM, d’éviter au conducteur ayant causé un dommage de se retrouver seul tenu à réparation.

Et en matière de dommage corporel, le quantum des indemnités peut s’avérer très vite élevé !

Source : www.guilland-avocat.com (25/10/2021)

<< Autres articles
Défilement vers le haut