Chute d’un locataire sur le parking de la résidence et responsabilité du bailleur

Un appartement et un garage individuel situés à AGEN ont été donné à bail à compter du 1er juin 2008.

Dans la nuit du 6 au 7 juillet 2012, le locataire s’est blessé après avoir chuté d’une hauteur de 4 mètres sur la voie publique à partir du parking de la résidence.

Il a expliqué qu’en rentrant dans la nuit à son domicile à pied, il s’est avancé vers la limite sud du parking de la résidence pour uriner, s’est entravé avec les lanières de son sac à dos, précisant qu’à l’endroit de sa chute, le terrain de la résidence surplombe la route se trouvant en contrebas et que là où il avait perdu l’équilibre, le terrain n’était ceint que par un vieux grillage, absent au lieu même de l’accident.

Le locataire victime a également indiqué qu’il n’avait été secouru qu’au matin, plusieurs heures après sa chute.

Il a alors été transporté au sein du Service des Urgences du Centre Hospitalier d’AGEN, puis à BORDEAUX, où une tétraplégie de type C8 motrice, bilatérale a été diagnostiquée.

Le locataire a alors assigné en référé son bailleur, l’assurance de celui-ci et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du LOT-ET-GARONNE afin qu’une expertise soit diligentée sur la configuration des lieux de l’accident.

Par ordonnance en date du 12 mars 2013, un Expert Judiciaire a été désigné et a reçu pour mission de décrire les lieux de l’accident, de dire si ceux-ci présentaient un caractère de dangerosité et s’ils sont en outre conformes aux prescriptions édictés par le Code de la construction en matière de sécurité.

L’Expert Judiciaire a déposé son rapport le 30 janvier 2014.

Par exploits d’Huissiers de Justice en date des 30 octobre et 3 novembre 2014, le locataire victime et son assureur (la MACIF) ont assigné le bailleur, l’assureur de celui-ci et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du LOT-ET-GARONNE devant le Tribunal de Grande Instance d’AGEN.

Aux termes de leurs assignations, ils demandent au Tribunal qu’il soit jugé que le bailleur avait manqué à son obligation de sécurité à l’égard de son locataire, qu’il soit déclaré responsable de son accident et condamné, in solidum avec son assureur, à réparer l’entier préjudice de la victime, outre à lui verser une provision d’un montant de 50.000 euros.

Toutefois, par jugement en date du 3 avril 2018, le Tribunal de Grande Instance d’AGEN a débouté la victime et son assureur de l’intégralité de leurs demandes.

Par déclaration en date du 27 juillet 2018, le locataire victime et son assureur ont interjeté appel de cette décision.

Or, par arrêt en date du 28 avril 2021 (Cour d’Appel d’AGEN, Chambre civile, 28 avril 2021, RG n°18/00812), la Cour d’Appel d’AGEN a fait droit à l’argumentation développée par la victime et infirmé le jugement rendu en première instance.

Comme le rappelle tout d’abord la Cour d’Appel d’AGEN, en application de l’article 1721 du Code civil, le bailleur est tenu de garantir le locataire contre les vices et défauts de la chose louée qui en empêchent l’usage, quand bien même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail et qu’il n’y aurait eu aucune faute de sa part à les avoir ignorés. La garantie due par le bailleur s’étend aux pertes résultant de dommages corporels mais le bailleur n’est pas tenu d’une obligation de résultat quant à la sécurité du locataire.

En l’espèce, selon la Cour d’Appel d’AGEN, il n’est pas discutable qu’il a été donné à bail, selon contrat du 1er juin 2008, outre l’appartement, un garage individuel sans autre précision, de sorte que la plateforme d’accès audit garage par un chemin privatif fait partie de l’emprise de la propriétaire mise à disposition du locataire, et l’usage de cette aire est nécessairement entré dans le champ contractuel.

Par ailleurs, la Cour d’Appel d’AGEN ajoute que selon l’article 1719, 1° et 2° du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat et, sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et de l’entretenir en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

Le locataire n’a pas à prouver que le bailleur n’a pas faire le nécessaire pour l’entretien des biens données à bail, mais seulement à démontrer que l’origine de son préjudice est en lien avec l’usage des biens.

Enfin, le bailleur est exonéré de ses obligations de garantie en cas de force majeure laquelle a nécessairement une origine extérieure à la chose louée.

En l’espèce, nul ne conteste les constatations de l’Expert, à savoir que :

  • Une végétation dense est présente sur le lieu de l’accident ;
  • Sur le lieu du sinistre, la limite de propriété est constituée d’un mur de soutènement ancien d’environ 25 centimètres de haut et 35 centimètres d’épaisseur, d’une clôture en grillage de 1 mètre de haut, d’une haie végétale dense ;
  • Au lieu supposé de l’accident, il est indiqué que la clôture est partiellement absente au droit du poteau EDF, la dégradation pouvant être le résultat d’un fait volontaire d’un tiers non identifié, tout comme l’ancienneté de cette dégradation n’a pu être déterminée ;
  • En tout état de cause, le locataire victime est étranger à cet état de fait, à défaut de preuve contraire ;

La Cour d’Appel d’AGEN poursuit en rappelant que l’obligation d’entretien édictée à l’article 1719 précité est une obligation continue, distincte de l’obligation de réparer prévue à l’article 1720, et il appartient au propriétaire de veiller, de façon constante, et sans avoir même à être informé par son locataire de la nécessité de travaux à effectuer, à l’entretien de son immeuble, et d’y apporter les réparations nécessaires.

Il est donc établi que non seulement la pousse de la végétation a été laissée sans entretien, ne permettant pas de déceler par quiconque une absence de clôture protectrice, et que cette même clôture dégradée de façon non contemporaine à la chute du locataire même si cette détérioration n’est pas datée, n’a pas été réparée ou remplacée.

Or, il est avéré que la végétation cachait le fait que le bord de la zone de parking desservant les garages des locataires donnait directement sur une route en contrebas, avec un vide de plusieurs mètres, de sorte que les lieux étaient objectivement dangereux.

Selon la Cour d’Appel d’AGEN, le bailleur a donc manqué à son obligation d’entretien et engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de son locataire victime, ouvrant droit à l’indemnisation des préjudices subis par celui-ci.

Ses blessures sont bien imputables à l’inexécution de son obligation contractuelle par le bailleur.

Enfin, contrairement à ce que tentaient de soutenir ce dernier et son assureur, le locataire victime n’a commis aucune faute de nature à exonérer le bailleur de sa responsabilité, même partiellement.

Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces éléments, la Cour d’Appel d’AGEN a déclaré le bailleur entièrement responsable des préjudices subis par son locataire à la suite de sa chute accidentelle en date du 7 juillet 2012.

Partant, le bailleur et son assureur seront tenus d’indemniser l’intégralité des préjudices subis par le locataire victime à la suite de cette chute.

Source : www.tondu-avocat.fr (21/06/2021)

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