Prison avec sursis et interdiction d’exercer requis contre un chirurgien strasbourgeois

Deux ans d’interdiction d’exercer et 18 mois de prison avec sursis ont été requis mercredi à l’encontre d’un chirurgien strasbourgeois jugé pour « homicide involontaire » après le décès en 2008 d’un jeune cycliste espoir, alors âgé de 15 ans. Le parquet a considéré que le patient avait été « privé de toute chance de survie ».Au terme d’un procès de trois jours, marqué par des échanges parfois très vifs entre la défense et la famille de la jeune victime, la décision a été mise en délibéré au 23 avril.

Maxime Walter, 15 ans, avait été admis en urgence en chirurgie pédiatrique viscérale à l’hôpital de Strasbourg-Hautepierre le 21 septembre 2008, après une chute à VTT. Le patient, qui souffrait d’une importante hémorragie interne, avait été abondamment transfusé, mais son état avait empiré d’heure en heure. Le parquet reproche au Dr Moog qui était d’astreinte ce jour-là, d’avoir trop tardé à pratiquer l’ablation de la rate. Après avoir estimé qu’une intervention n’était pas nécessaire, il procède à l’ablation le 22 septembre au matin – soit près de 24 heures après l’accident. Le jeune sportif décède deux jours après. Les parents portent plainte dès le lendemain.

S’appuyant sur les conclusions des experts, la représentante du parquet a expliqué que l’opération « devenue nécessaire pour éviter le décès » avait été « pratiquée beaucoup trop tard ». « En ne se déplaçant pas » rapidement au chevet du patient alors qu’il était d’astreinte puis en « persistant dans un choix qui n’était pas le bon », le Dr Raphaël Moog a commis « des négligences » constituant une « faute caractérisée », a indiqué la substitut du procureur, Morgane Robitaillie, devant le tribunal correctionnel de Strasbourg.

Le prévenu « s’est laissé aveugler par la conviction » qu’il devait préserver la rate de l’adolescent, avait plus tôt déclaré à la barre le Pr Christian Gouillat, chef de service de chirurgie digestive à Lyon et auteur avec un autre praticien lyonnais, le Dr Pierre-Yves Mure, du rapport d’expertise. Il « n’a pas vu les clignotants qui passaient progressivement à l’orange puis au rouge », avait-il ajouté le praticien.

En toute fin d’audience, le Dr Moog a, pour la première fois, exprimé ses « regrets » : « Je suis désolé de ne pas avoir pu sauver Maxime (…) Si c’était à refaire, je l’opérerais, mais comment revenir en arrière ? Je ne peux que partager votre détresse », a-t-il reconnu s’adressant directement à la famille de l’adolescent.

Au premier jour d’audience, le chirurgien avait pourtant réfuté toute faute et expliqué qu’il avait tenté de préserver la rate de Maxime parce que cela correspondait aux « recommandations d’usage » et ne paraissait pas un choix risqué. Son avocat, Me Bernard Alexandre, avait plaidé la relaxe, en soulignant qu’on ne pouvait être certain que l’adolescent aurait survécu s’il avait été opéré. Une interdiction d’exercer, même temporaire, équivaudrait pour son client à une « peine de mort professionnelle », avait-il affirmé.

Un anesthésiste et une cardio-pédiatre, présents dans le service ce soir-là, avaient été mis en examen dans ce dossier, avant de bénéficier d’un non-lieu.

Source : Le Quotidien du Médecin (02/04/2015)

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