Dépakine : Sanofi mis en examen pour tromperie aggravée et blessures involontaires

Après plus de trois années d’enquête à la suite de plaintes de victimes, les juges chargés de l’enquête sur la commercialisation de l’antiépileptique Dépakine ont mis Sanofi en examen pour « tromperie aggravée » et « blessures involontaires », a annoncé le groupe pharmaceutique ce 3 février.

L’enquête, ouverte par le Parquet de Paris en septembre 2016, visait à établir s’il y a eu « tromperie sur les risques inhérents à l’utilisation du produit et les précautions à prendre ayant eu pour conséquence de rendre son utilisation dangereuse pour la santé de l’être humain ». Elle porte sur la période allant de 1990 à avril 2015.

Depuis, 37 familles au total, représentées par l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (APESAC), ont porté plainte dans ce volet pénal de l’affaire, alors que courent encore d’autres procédures civiles et administratives, ou auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).

Pour le laboratoire Sanofi Aventis France, cette mise en examen par le tribunal judiciaire de Paris lui « permet de faire valoir tous ses moyens de défense et sera l’occasion de démontrer qu’il a respecté son obligation d’information et fait preuve de transparence », a-t-il réagi. Et d’assurer avoir informé les autorités de santé et demandé l’actualisation des documents d’information mis à la disposition des médecins et des patients en fonction de l’état d’avancement des connaissances scientifiques.

Du côté des plaignants, « Sanofi va devoir s’expliquer pour les dizaines de milliers de victimes empoisonnées (…), s’est réjoui Marine Martin, présidente de l’APESAC. Je suis prête à apporter au juge les éléments de preuve démontrant la responsabilité pleine et entière du laboratoire face à la défectuosité de son produit et la tromperie dont ont été victimes des dizaines de milliers de mères ».

« C’est un retournement du dossier, qui jusqu’ici n’avançait pas beaucoup », a commenté l’avocat de l’association, Me Charles Joseph-Oudin. « Sanofi s’arc-boute sur une position de déni de responsabilité qui est de plus en plus difficilement tenable », a ajouté l’avocat.

Le valproate de sodium est commercialisé depuis 1967 sous la marque Dépakine par Sanofi, mais aussi sous des marques génériques. Traitement de référence pour l’épilepsie, le valproate est aussi prescrit aux personnes souffrant de troubles bipolaires. Mais il présente des effets tératogènes et fœtotoxiques lors d’une grossesse : l’enfant présenterait un risque élevé de l’ordre de 10 % pour les malformations congénitales, ainsi qu’un risque accru d’autisme et de retards intellectuels et/ou de la marche, pouvant atteindre jusqu’à 40 % des enfants exposés.

Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) 2 150 à 4 100 enfants présenteraient des malformations congénitales graves en lien avec la Dépakine, tandis que l’épidémiologiste Catherine Hill avance le chiffre de 14 000 victimes, en prenant en compte les enfants souffrant de retards de développement.

Le laboratoire soutient avoir toujours respecté ses obligations d’information et avoir averti les autorités de santé dès le début des années 1980 sur les risques de malformation du fœtus, et dès 2003 sur les risques neurodéveloppementaux, mais sans réaction immédiate des autorités. L’inertie du système de pharmacovigilance et notamment l’ANSM a aussi été épinglée dans un rapport de 2015 de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui n’épargnait pas non plus les laboratoires.

Fin 2018, l’ANSM et la HAS ont mis à jour un plan de prévention des grossesses et publié des recommandations pour les patientes épileptiques ou avec trouble bipolaire.

Source : www.lequotidiendumedecin.fr – Coline GARRÉ (04/02/2020)

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