Cancer de l’ethmoïde : un entrepreneur témoigne

Les poussières de bois sont responsables du cancer des cavités nasales et sinus de la face. Il représente environ 200 nouveaux cas de cancer/an soit 2 à 3% des cancers des voies aéro-digestives supérieures.

Selon l’enquête SUMER, 300 000 à 400 000 salariés sont exposés aux poussières de bois dans leur travail. La filière bois, le bâtiment et travaux publics sont les principaux secteurs concernés.

Aujourd’hui, Jean (son prénom est volontairement modifié), 62 ans, est atteint d’un cancer de l’ethmoïde découvert en 2010. Sa vie, sa carrière, il l’a passé dans le bois pour « travailler sur un matériau noble », avoue ce passionné.

Son histoire est celle d’un apprenti du bois qui commence à 16 ans sa formation de menuisier. « Puis, à partir de 20 ans, j’ai travaillé chez de petits artisans, dans des grandes entreprises, dans l’industrie comme agenceur pour magasins, dans des maisons. J’ai créé mon entreprise en 1990, aujourd’hui, j’ai 80 collaborateurs répartis sur 7 sites ».

« Quand, j’ai commencé sur les machines à bois, au travail à l’établi ou au ponçage, il n’y avait pas la notion de risque et encore moins celle de cancer. Je travaillais sur des bois nobles comme le chêne ou le sapin, non traités. Je pense que les patrons qui m’ont embauché ignoraient à cette époque le danger encouru. La prévention était ailleurs sur les risques de coupures ou de mal au dos. Par la suite, j’ai appris que les poussières de tous les bois sont dangereuses ».

En 2010, à la suite de problèmes répétitifs dans les sinus qui l’empêchent de respirer, Jean apprend qu’il est atteint d’un cancer. « C’est un grand moment de solitude, car nous ne sommes pas tous égaux devant la maladie. Certains peuvent passer leur vie à inhaler des poussières et ne rien avoir, mais d’autres peuvent être malades au bout d’un an seulement ».

Jean aura des interventions lourdes de 8 à 10 heures. Pour ôter la tumeur sur l’os ethmoïde, il faut ouvrir la boîte crânienne, ce qu’il devra subir 4 fois. Aujourd’hui, les séquelles sont là : perte de l’odorat, problèmes oculaires, polypes nasaux. Trois opérations sont encore à prévoir cette année et l’an prochain. Son cancer est reconnu en maladie professionnelle en 2016.

Jean raconte aussi la difficulté pour un entrepreneur de poursuivre son activité et de la charge mentale qui s’y ajoute. La frilosité des banques, les salariés qu’il faut rassurer sur la pérennité de l’entreprise et la vie personnelle où il est nécessaire de savoir dire les choses pour apaiser.

« J’ai voulu témoigner pour faire comprendre que le risque est invisible. Cette poussière fine que l’on ne voit qu’au travers les rayons du soleil est un danger vicieux. J’ai vu des salariés incrédules sur sa nocivité, par méconnaissance. »

Au sein de ses établissements, Jean a mis en pratique une prévention collective. En plus de la sensibilisation et de la formation des salariés, il privilégie l’aspiration à la source sur certaines machines. La bonne utilisation des outils (remplacement des soufflettes). Les copeaux, sciure et poussières ne sont plus mis aux ordures dans de gros sacs mais ils sont comprimés et compactés pour être brûlés. Les Carsat de 3 régions ont participé à l’achat de machines adaptées.

« Nous sommes à la norme Iso 14 001 dans une démarche environnementale. Nous avons diminué par neuf l’utilisation de solvants. Nous avons beaucoup travaillé sur les charges et les problèmes de dos qu’elles engendrent. En concertation avec les charpentiers et menuisiers, nous trouvons des solutions adaptées comme des tables réglables en hauteur… »

« Alors oui, je dois le dire ce qui m’arrive me rend beaucoup plus sensible et attentif à la prévention des risques au sein des équipes. Il ne faut pas relâcher les efforts. Du point de vue humain, j’ai rencontré des soignants dont j’ignorais l’existence et cela m’encourage à garder espoir. Il m’arrive de voir des chefs d’entreprise comme moi, en difficulté financière par exemple, et une parole ouverte permet d’éviter le pire ».

Didier Durrieu préventeur à la Carsat Midi-Pyrénées

La prévention des risques de cancer lié au bois relève de ses missions auprès des entreprises.

« La réglementation a évolué, mesurer l’exposition aux poussières de bois dans l’entreprise participe à cette évolution. La concentration de poussières de bois dans l’atmosphère des lieux de travail est soumise à une valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) de 1 mg/m3 mesurée sur une période de référence équivalente de 8 h.

La captation des poussières à la source sur toutes les machines à bois est une priorité, il y a 30 ans on n’en voyait pas ou peu.

La prévention des cancers professionnels dont les poussières de bois doit se faire avec la même attention que toute démarche de prévention. Elle se formalise de la façon suivante :

  • Repérer,
  • Évaluer,
  • Convaincre,
  • Intégrer la sécurité en amont,
  • Supprimer ou réduire les risques. Par exemple : suppression des balais, des soufflettes, des vidanges de sacs de poussière. Les remplacer par des aspirateurs/ systèmes d’aspiration centralisée, l’élimination des sacs remplis de poussières ou le recours à une presse à briquette,
  • Informer et former.

Cette méthodologie est identique à celle mise en œuvre pour l’ensemble des risques professionnels ».

Avant de provoquer un cancer de l’ethmoïde, d’autres manifestations respiratoires peuvent être provoquées par les poussières de bois : rhinites, asthmes, syndrome respiratoire avec dyspnée, toux. Un suivi médical adapté – examen tous les 2 ans par un ORL et nasofibroscopie – permet de détecter en amont tout risque de pathologie.

Source : www.carsat-mp.fr (14/04/2022)

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